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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
16 mai 2016

Résumé Apéro-philo du 23/06/16 Peut-on aimer le corps ?

 

Apero philo

L'Apéro-philo (entrée libre et gratuite) du mois de Juin s'est tenu le jeudi 23 à 18h45 au café Le Dimanche à la campagne à Pau (face au parc Beaumont - Jeu de paume) sur le sujet suivant :

 Peut-on aimer le corps ?

Résumé : 

 1)    Il est fort risqué de prétendre rendre compte de la richesse foisonnante de cette séance, aussi me contenterai-je de quelques indications décisives. Est-il possible, psychologiquement, d’aimer le corps, le sien propre, celui de l’autre, et les corps des autres, dont il faut bien admettre qu’ils ne sont pas nécessairement beaux, agréables, tantôt ceci et tantôt cela, présentant une grande variété de formes, de rythmes, entre la santé florissante et la maladie, entre la beauté et la laideur, entre la vie et la mort ? En sus, une longue tradition métaphysique et religieuse prétend nous éloigner du souci et de l’amour du corps, y voyant une coupable complaisance à la chair périssable, au détriment de l’âme et de son salut éternel.

 2)    Notre époque est marquée par une envahissante obsession du corps, qui semble devenir un objet marchand vendable et achetable dans une économie généralisée de la performance et du rendement. Magazines d’esthétique, prescriptions de forme et de santé, recherches médicales et pharmacologiques etc : tout concourt à faire du corps, de son image et de ses performances un élément décisif de la réussite. Dictature qui ne va pas sans créer de nouvelles névroses, contribuant à accentuer le malaise rampant d’individus soumis à des pressions d’autant plus fortes qu’elles ne sont pas clairement identifiées. Ne sommes-nous pas responsables en partie de cet état de choses, si nous nous laissons entraîner dans ce mouvement général ?

 3)    Il faut distinguer le corps comme image – celui du miroir et de la publicité - du corps réel, celui qui est apparu dans le monde, qu’on n’a pas choisi, qui a grandi, qui vieillit, et qui va se décomposer à terme. Nous en avons une première expérience dans le jeu des besoins, dans l’exercice des fonctions, la marche, la respiration, le mouvement et le repos, la sexualité, la maladie et la santé. Le corps réel est-il le corps anatomique et physiologique, le corps de la biologie et de la médecine ? Oui et non, car c’est encore une représentation, certes efficace et efficiente, mais elle ne saurait rendre compte de la qualité spécifique du « vivre » qui est propre à chacun, qui ne se mesure pas et ne se découpe pas en petits morceaux d’organes ou de cellules. Vivre, c’est repousser la mort, c’est travailler à se conserver (Spinoza), c’est affirmer une puissance active ou réactive (Nietzsche), c’est être au monde comme singularité dynamique ou passive. Pour autant, suis-je mon corps ? Ne suis-je que mon corps ? Le groupe tente d’analyser ce fascinant mystère du lien intime entre le corps et la psyché, car s’il n’ y a pas de psyché sans corps, on peut se demander ce que serait un corps qui n’est pas façonné par une force psychique quelconque, instinct, pulsion, intelligence ou culture. Physiologique et psychologique se supposent mutuellement, se combinent et s’intriquent profondément : somato- psychique ou psycho-somatique. En Asie on parle volontiers d’un « corps-esprit », un seul terme qui unit les deux faces.

 4)    Retour au sujet : si on ne sait toujours pas ce qu’est exactement le corps, on en a tous une expérience. Dès lors on peut aborder correctement la question de l’ « aimer » ou du « haïr ». L’amour de soi, selon Rousseau, serait une donnée native et naturelle du vivant,  qui englobe évidemment le corps. On peut se demander par quel processus l’homme en vient à isoler, séparer la question du corps, en l’opposant à l’âme, à l’esprit, à la conscience, à la psyché. Est-ce un fait universel ou le propre d’une culture rationaliste et scientifique ? En tout cas la tradition n’enseigne pas l’amour du corps, soupçonné d’engendrer une grande quantité de vices (Platon) en nous détourant des vraies valeurs morales. L’honnêteté intellectuelle nous force à admettre que notre rapport émotionnel au corps est très ambivalent : on l’aime quand il est source de plaisir, de puissance, de dépassement, on le hait quand il est accablé de maux, de maladies et d’impuissance et nous conduit inexorablement à la mort. En ce sens il y a une vérité du corps : il nous enseigne notre condition mortelle, nous inscrit dans la réalité de l’univers, et nous invite à une certaine humilité : « aussi haut que l’on soit perché on n’est jamais assis que sur son cul » disait à peu près Montaigne. Et Jaspers nous a enseigné la vérité des « situations-limites », celles où nous mesurons notre originelle dépendance aux conditions générales de la vie et de la mort.

 5)    L’ambivalence des sentiments à l’égard du corps est dès lors une réalité psychique incontournable. Aimer sans réserve est impossible, détester sans nuances est suspect, voire hypocrite. S’il est une sagesse, elle nous inviterait à prendre acte de cette ambivalence, sans amour illusoire et sans détestation névrotique, à cultiver une lucidité bienveillante et apaisée, comme nous l’enseigne Epicure dans sa belle Lettre à Ménécée, nous enjoignant de prendre plaisir aux vrais biens de l’existence.

Pour Métaphores, GK

 

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Commentaires
G
On peut concevoir le sujet - dont il est difficile de se passer si l'on veut rendre compte des passions et des actions subjectives - tout en évitant de le substantialiser - comme un opérateur logique, conditionné par les forces immanentes et obscures du corps, qui tente des synthèses en combinant les affects et les pensées de manière à sauver son être-là dans le monde. C'est en effet une résultante et non une cause originaire et auto-suffisante.
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D
En effet, mais l'idée de sujet présuppose un certain état du corps, une dynamique, des tensions et des forces orientées dans une direction (Nietzsche). Le système représentatif est toujours second par rapport à ce qu'on appelle le corps, que ce soit le sien ou celui de l'autre. <br /> <br /> Cela pour faire remarquer que nous raisonnons à l'envers lorsque nous posons un sujet dans le système symbolique (Spinoza). Il n'est qu'un l'effet et non une cause. Ce grand renversement paradigmatique est un art de saborder toutes les fictions de l'imagination qui irriguent une part de nos besoins et la conscience servile qui s'y soumet.
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G
La vraie question qui se pose celle du sujet dans son rapport au corps propre et au corps de l'autre, puis au grand corps de la nature : c'est le sujet qui se donne une représentation, mais qui se découvre aussi subjectivement impliqué dans des rapports qu'il ne choisit pas toujours, mais qui conditionnent sa position symbolique. Et au delà il entretient un (non) rapport ambigû au réel - qui est le vrai maître indéracinable.
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D
Qu'est-ce donc qui aime le corps ou le déteste sinon un régime pulsionnel actif ou réactif ? Le corps s'aimerait-il lui-même ou se repousserait-il ? Dès lors la question ne peut apparaître que mal posée ou plutôt contenant un tel préjugé, un tel a priori qu'il nous condamne à la chosification, au dualisme et à l'illusion. <br /> <br /> Pour en sortir, ne faut-il pas reconnaître l'énigme fondamentale qui nous tient en vie et qui nous relie au réel ?<br /> <br /> Le réel est-il seulement aimable alors même qu'il est ce que nous fuyons par tous les moyens ?
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G
On peut dire aussi que le temps porte le corps, avant de l'emporter.
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