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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
25 novembre 2018

Résumé Café-philo - 11/12/18 - Le savoir rend-il malheureux ?

CAFE-PHILO (2)

Le CAFE-PHILO du mois de  décembre (activité libre et gratuite) s'est tenu le mardi 11 à 18h30 au café le W (face au lycée Barthou, place Louis de Gonzague) sur le sujet suivant (voté par les participants).

Le savoir rend-il malheureux ?

Résumé de la soirée :

« Heureux les ignorants » Ne vivent-ils pas dans la béatifique insouciance du paradis ? – A voire…C’est en tout cas un fantasme persistant qui consiste à déférer à une enfance imaginaire ce que nous avons perdu dans l’inévitable et parfois douloureuse entrée dans l’ordre symbolique. « C’était mieux avant ». Discours de la nostalgie, regret des « verts paradis de l’enfance ».

Contre ce discours de la naïveté, la philosophie enseigne depuis l’origine la valeur libératrice de la connaissance : « connais-toi-toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Ou, chez Kant : « sapere aude », ose savoir, ose te servir de ton entendement pour t’affranchir des tutelles de l’opinion, de la tradition ou du pouvoir. La philosophie n’enseigne pas particulièrement la voie du bonheur mais plutôt de la raison comme outil de libération. Serons-nous plus heureux en recherchant le savoir, ou plus malheureux encore, à mesure que nous nous éloignons des illusions et des fausses certitudes ?

Nous commençons par examiner plusieurs types de savoir : information, instruction, sciences, savoirs utiles ou inutiles, pour mieux cerner le vrai  enjeu : le savoir lié au questionnement existentiel. Schopenhauer est alors convoqué, qui a mis l’accent sur une déchirure douloureuse entre l’homme et le monde : si l’on se met à penser c’est précisément que les choses ne vont pas toutes seules, que notre position est infiniment problématique. C’est la douleur qui éveille, jamais le plaisir. C’est une sorte de malheur originaire qui pousse l’homme à s’interroger sur sa place dans le monde, à chercher quelque aménagement de sa condition. Le savoir est d’abord douleur, du moins s’il est authentique, avant de livrer éventuellement quelque solution à la douleur d’exister.

Apparaît alors la question du désir. Certains ont le désir de savoir, d’autres non, qui préfèrent se tenir mollement dans une paisible indifférence. Mais ce désir de savoir, à son tour, n’est pas univoque : il y a la curiosité, bien sûr, mais aussi le désir de maîtrise, voire de contrôle. Savoir pour pouvoir, et prévoir. D’autres évoquent le désir d’intégration, et d’autres le plaisir. Quoi qu’il en soit se pose la question des motivations : Qui veut savoir ? Quoi ? Pourquoi ? Question difficile, et pourtant centrale si, comme le dit Spinoza « nous connaissons nos désirs mais non les causes qui nous déterminent ».

Le désir de savoir met en jeu le savoir du désir. Mais pouvons-nous  poser qu’il existe un savoir du désir ? Ce serait sans doute prétendre à une position de maîtrise absolue qui relève de la fantasmagorie. L’expérience nous montre que tout savoir conquis de haute lutte ouvre instantanément la porte à une nouvelle ignorance, l’ignorance savante qui est savoir du non-savoir. « Je sais que je ne sais » ou, à la manière de Montaigne : « Que sais-je ?» incertain que je suis et du monde et de moi. Ce non-savoir d’un nouveau genre, radicalement distinct de l’ignorance naïve et béate, s’inscrit comme un trou dans la chaîne du savoir : moment de suspension, béance, incertitude, hiatus où peut surgir quelque chose d’un non-su qui nous révèle à nous-mêmes la part cachée, l’énigme de notre destinée.

C’était l’enseignement de Freud : Wo ich war soll es werden – où était ça je dois advenir. Savoir indéfiniment ouvert, en mouvement, où le sujet est appelé à advenir, dans un processus pérenne de vérité.

Ce savoir-là rend–il heureux ? Ce n’est sûrement pas selon la définition ordinaire (la réalisation durable de tous nos désirs), mais selon la formule, à la fois improbable et virtuellement réalisable, de l’alliance du désir et de la vérité.

Pour Métaphores, Guy Karl

 

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Commentaires
E
c'est le raisonnement vigilant qui engendre la vie heureuse (Epicure)<br /> <br /> je dirai voir la vie comme elle est et non comme on voudrait qu'elle soit ; il s'agit alors de lucidité
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G
Voilà qui justifie pleinement, chère Viva, l'existence et la pratique des café-philo -auxquels nous souhaitons bel avenir !
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V
Dommage que l'on ait pas exploré le sens du mot malheur ,peut etre que la discussion aurait pris un autre chemin . J'ai pour ma part été étonnée de l'association dans l'énnoncé du savoir avec le rendu malheureux! La philosophie s'éprouve a travers les savoirs de chacun ,elle éloigne les idées recues ,les fausses croyances ,les illusions et les craintes non fondées,elle libère et pousse donc a s'élever vers le bien ou le bon et pouquoi pas le bien etre de vie comme le pensait épicure. Le savoir rend lucide et devient quand on y goute indispensable a l'homme! j'arrive a la conclusion; que me rendre aux soirées philo m'est très bénéfique et ne me rend vraiment pas malheureuse. Je voulais rajouter ce point de vue...
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G
On peut en effet vouloir savoir pour ne pas voir. Dans l'usage ordinaire du savoir celui-ci est assez souvent mis au service de forces réactives - pour sauver l'illusoire autonomie du moi : conservation des acquis, dénégation, contrôle. Il s'agit bien de se rendre réceptif à ce qui peut surgir d'incongru, d'insolite, d'étrange et d'étrangeté dans la vie psychique, provoquant un effet de dérangement excentrique. Certains philosophes de l'Antiquité, comme Aristippe, Diogène ou Pyrrhon étaient passés maîtres dans l'art du kairos : inattendu qui déroute et offre de nouvelles possibilités de vie et de pensée.
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D
Excellent résumé de la soirée. <br /> <br /> Le "savoir du désir" dont il est question ici est moins une prétention à la maîtrise de l'inconscient et de la la totalité des chaînes causales- ce qui est en effet illusoire, qu'une prise de conscience du fonctionnement de l'esprit soumis à la passivité de l'affect. C'est tout le travail de Spinoza dans l'Ethique.<br /> <br /> <br /> <br /> De quel affect le savoir est-il le nom ? Voilà l'enjeu central. Un affect mélancolique n'a-t-il pas besoin d'un savoir mélancolique ? Le savoir n'est pas une cause mais un effet. <br /> <br /> On peut vouloir savoir pour justifier l'affect qui nous porte inconsciemment. Sans cet effort qui vise à revenir à la source de nos affections, chacun trouvera le savoir dont il a besoin pour justifier ses angoisses ou la puissance créatrice de son élan vital.<br /> <br /> Avec Spinoza, lorsqu'on comprend que la pensée raisonne à l'envers dans des mécanismes projectifs (nous inversons la cause et l'effet : ex: le rival, cause ou effet de la jalousie ?) cela permet de s'interroger sur ce qui en soi est inaperçu et qui génère des représentations inadéquates, donc des conduites elles-mêmes inadaptées etc.<br /> <br /> Cela veut dire que le savoir n'est actif (libérateur) que s'il est lui-même traversé par un désir actif. Cela veut aussi dire qu'un savoir peut être porteur d'un affect passif produisant la répétition morbide.<br /> <br /> <br /> <br /> On pourrait dire avec Epicure que c'est donc moins le savoir "que le raisonnement vigilant qui engendre la vie heureuse" (Lettre à Ménécée). La puissance de pensée s'effectue dans cet effort qui consiste à se libérer des "vaines opinions", des représentations toxiques qui nous rendent souffreteux et tristes.
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