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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
16 janvier 2017

Résumé de l'atelier-philo du 08/02/17 : Musique et philosophie

Atelier-philo 2

 L' Atelier-philo du mois de février 2017 s'est tenu au café-restaurant Un dimanche à la campagne à Pau sur le sujet suivant :

 La musique a-t-elle un sens ?

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Présentation de la soirée :

Nous avons été ravis d'accueillir, dans une ambiance amicale et chaleureuse, Timothée, musicien et professeur philosophie, ainsi que son épouse, pour des moments de grande qualité, alternant réflexions collectives et expériences musicales. 

David Pourille, philosophe et animateur de l'atelier a interrogé en préambule le caractère spécifique de la musique. Est-il possible d'inscrire dans une définition une expérience à ce point sensorielle et dynamique ? Des éléments historiques et quelques auteurs ont été convoqués (Platon, Rousseau, Jankélévitch...) pour nous aider à y voir plus clair et peut-être à mieux "entendre" ou "écouter" ce dont il s'agit.

 

L'écoute aura été précisément le second temps fort de la soirée. Nos invités, à la guitare et au chant, ont interprété 3 oeuvres dans des styles variés, puis un morceau de jazz en solo. 

 

Timothée a pris ensuite la parole pour engager la réflexion avec le public. "En particulier : Peut-on comparer la musique à un langage ? On parle explicitement de langage musical, ou encore de phrases, en quel sens ? Et si la musique dit quelque chose, en quoi est-ce différent de la peinture ou de la poésie ? Est-il possible de traduire dans les mots ce que dit la musique ? Cette dernière ne fait-elle pas signe vers un indicible qui correspond à une réalité ?"

Résumé de la soirée :

Que dit la philosophie sur la musique ? Avant même d’en spécifier l’essence, ce qu’est la musique en elle-même, bons nombres de philosophes, et non des moindres, se sont attachés à la normer, à dire ce qu’elle devrait être avant d’expliquer ce qu’elle est ; elle doit être signifiante, attachée au langage car lui étant inférieure, et ne doit pas susciter de « mauvaises » passions. De l’antiquité de Platon au XVIIIème siècle de Rousseau, la musique doit signifier quelque chose et imiter la nature. Jean-Jacques Rousseau incarne à lui-seul la césure que sera son siècle pour la pensée philosophique de la musique car s’il s’insurgea contre la musique purement instrumentale qui n’a pas de sens, il exprima son enthousiasme quant à la force des passages symphoniques dans certains opéras.

Je cherche à savoir pour ma part ce qu’est la musique non pas à partir de son essence (il faudrait qu’elle en ait une) mais à partir d’airs de famille, de différences et de similitudes entre des morceaux de musique, savants ou populaires, anciens ou actuels, de compositeurs différents ou d’un même compositeur. Il s’avère que la musique regroupe des phénomènes sonores qui se déploient dans le temps. La musique est temporelle même si l’on ne peut l’imaginer sans un corps : un corps qui joue de la musique, un corps qui ressent la musique qu’il entend.

Après la joie de partager l’écoute de quelques morceaux interprétés par Timothée et Odel, la question du sens de la musique est posée. Mais d’abord pourquoi parler de musique plutôt que d’en jouer ? Quel est cet intérêt de la philosophie pour la musique et le sens qu’elle aurait ou n’aurait pas ? Et ce d’autant que ces questions n’intéressent pas le plus souvent les compositeurs. De plus, le sens, entendu comme signification, relève d’abord et surtout du langage. Comment chercher le sens de ce qui d’abord exprime plus qu’une émotion, l’intériorité de l’âme elle-même selon le philosophe Hegel. Le rapport du langage et de la musique est soulevé : ils ont en commun leur déploiement dans le temps, le rythme, le son ; mais le langage, fait de règles et de conventions diffère de la musique qui ne dit pas, ne parle pas, quand bien même elle exprime et évoque. Elle renvoie à un vécu, du compositeur, de l’interprète ou de l’auditeur.

Deux séries de questions vont orienter le débat :

1/ La musique est-elle un faire quelque chose ou un dire quelque chose ?

2/ Que la musique dit-elle que le langage ne dit pas ? Quel est son sens ?

La première partie du débat insistera surtout sur la manière que nous avons de recevoir la musique. Nous la recevons d’abord par les émotions car la musique émeut, évoque, touche nos sens et nos souvenirs, parfois enfouis. En plus de sa part émotionnelle, la musique dirait quelque chose que le langage ne dit pas, même si ce qu’elle dit, le sens qu’elle transmet, peut demeurer flou, imprécis. La musique est ambiguë : elle touche non seulement les sens mais aussi l’ensemble de la psyché. Ses effets sensoriels relèvent à la fois tant du mental que de l’affectif. On exprime alors la difficulté d’expliciter cette signification de la musique qui s’efface devant sa force à spatialiser les émotions, c’est-à-dire à instituer un espace à la fois corporel et intérieur.

La seconde partie du débat a voulu s'ouvrir sur la question de la signification de la musique puis le public s’est orienté un moment vers un questionnement sur la création artistique en général et musicale en particulier. La question de l’art était apparue en fin de première partie et sera reprise dans la seconde. La musique est un art, et l’artiste, ici le musicien, dit quelque chose ; la note elle-même dit quelque chose car ne s’opposent pas le sensoriel et l’intellectuel. Par ailleurs, la musique, sans doute analogue au langage en certains points, diffère de celui-ci jusqu’à lui être antérieure, voire complètement distincte en ce que la musique, hors du temps chronologique, se déploie dans une durée hors des représentations. Son rythme propre, organique, n’appartient pas aux catégories logiques. La musique reviendrait donc à être une intruse dans le domaine de la réflexion. D’ailleurs, le créateur, ici le compositeur, peut-il poser des mots sur la musique ? La question de sa signification réapparaît en fin de débat : pour l’un elle transcende la musique, pour un autre, c’est l’auditeur qui construit le sens de la musique qu’il perçoit.

Que conclure ? Que si la musique a un sens, une signification, c’est d’abord de mettre à jour son éloignement de nos catégories habituelles de ce qui fait sens, de ce qui nous « parle », et qui viennent de nos pratiques langagières. Et si la musique a un sens : où est-il ? Dans la partition ? Dans l’interprétation ? Dans l’audition ? Dans la réception de l’audition ?...

La musique n’est ni quelque chose (comme un tableau, un outil, une statue) ni rien. La musique est sans figure et s’ouvre et se manifeste dans le temps (l’aion grec) permettant à celui qui écoute de s’ouvrir à une autre temporalité que la sienne, à un autre rythme que le sien. S’ouvre ainsi une temporalité nouvelle, vivante et multiple, entre le psychisme de celui qui écoute et ce qu’il écoute, sans réduire l’un à l’autre. 

Pour Métaphores, DP

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Commentaires
A
Je dirais volontiers que la question de savoir si la musique a un sens ou non, n'a peut-être pas beaucoup de sens. C'est peut-être tout bonnement une fausse question car tout bêtement la musique n'est qu'un mot englobant. On gagnerait sans doute à questionner le fait de savoir si tels ou tels morceaux, passages, phrases... ont un sens ou non. Certains n'auront éventuellement aucun sens, mais d'autres...? Sans perdre de vue la distinction importante entre la signification et la fonction, car les créations musicales remplissent beaucoup de fonctions : divertir, plaire, conduire à la guerre, éveiller des sensations... faire penser ?<br /> <br /> <br /> <br /> A mon sens, l'audition d'un morceau de musique peut être avant tout une attitude perceptive, pas nécessairement émotionnelle, et aussi déconnectée du (pesant) jugement de goût. On peut penser d'abord ce qui advient et se modifie dans l’œuvre écoutée, parfois en fonction d'aspects musicaux que l'on perçoit d'un morceau : sa composition, ses agencements... Par exemple la basse de So What de Miles Davies, instrument rythmique en jazz, qui annonce la mélodie avant les instruments mélodiques; ou encore les agencements des Canons de Pachelbel et de la musique dite baroque... <br /> <br /> <br /> <br /> Penser une écoute musicale (plutôt que la musique) c'est aussi penser ce qui est écouté. Je renverrai au formalisme en musique qui suscite beaucoup de réflexions qu'une habitude un peu romantique, - je dirais presque émotive, masquerait en ne s'axant que sur l'émotion et l'esthétique de la réception.<br /> <br /> Une œuvre musicale, telle sonate, tel concerto, telles symphonies, tel morceau de "rock", produit aussi des formes. Et la musique électronique confine parfois à la "sculpture" sonore (cf. Feral de Radiohead > https://www.youtube.com/watch?v=SX-5Ppynu5Y ). <br /> <br /> Paul Valéry, dans Eupalinos ou l'architecte, écrit ceci : "Et quand tu as parlé de musique à propos de mon temple, c'est une divine analogie qui t'a visité".
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D
la musique cest intime. Et en parler, c'est peut etre vouloir la désincarner...pour ma part, je ne souhaite que l'éprouver, la sentir irriguer mes sens et laisser faire.....sans chercher à théoriser. seulement ressentir et se laisser surprendre<br /> <br /> <br /> <br /> comme la première fois que jai entendu l'adaggio de barber, que je suis restée figée dans un rayon disque les larmes aux yeux, sans savoir..d'où ça venait... où cela m"'emportait.<br /> <br /> <br /> <br /> Juste ressentir...<br /> <br /> s'émouvoir..<br /> <br /> se laisser bercer et transporter. <br /> <br /> <br /> <br /> https://youtu.be/ZzexW5EOiFw
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D
Il est aussi possible de se demander, ce qui est plutôt ma thèse, si la musique n'est pas précisément cette expérience qui nous délivre du sens, de la pesanteur des significations, dont on peut suspecter le caractère réactif, lequel consiste à ramener de l'inconnu (insignifiance) à du connu (sens).<br /> <br /> <br /> <br /> Je me demande sincèrement ce que peut bien signifier le concerto pour violon de Beethoven ou le jeu subtil d'un Jan Gabarek au saxophone. <br /> <br /> Le "jouer" qui fait la musique créé l'écart qui brise, à mes yeux et à mes oreilles, le pouvoir de la signification pour amener la subjectivité à une forme d'imprévisibilité, expérience déroutée et précisément hors langage.<br /> <br /> <br /> <br /> En d'autres termes, je dirai que la musique est "muette", finalement inénarrable ou "ineffable" pour reprendre le mot de Jankélévitch. Elle nous traverse et demeure rétive à toute emprise comme un flux qui porte ou emporte la sensibilité, si toutefois nous acceptons de nous laisser porter ou emporter.
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V
"Un homme debout" de claudio capeo est en effet une touchante et magnifique chanson. Encore un role de la musique qui lorsqu'elle s'accompagne de paroles profondes,sensées et poetiques sert aussi a réveiller les consciences et a faire passer des messages.
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A
le talentueux panflûtiste Leo Rojas se plaît à dire que l'homme a ''inventé la flûte en écoutant le vent soufflait dans les roseaux '', et la vieille Afrique battait ses tam tams au rythme des battements de son coeur et codifiait ainsi dans la danse et le chant chaque moment de la vie sociale .La vie n'est qu'une suite de pulsations cardiaques , et l'homme pourrait il vivre sans le rythme musical, ou cardiaque ? Elle est le seul lien entre les différentes cultures , entre le conflit des mots et le silence total , seul langage suffisant et nécessaire pour survivre simplement.<br /> <br /> Si je savais le faire je vous enverrais de Claudio Capéo : ''Si je m'endors me réveillerez vous'' ,
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