Résumé Café-philo - 09/04/19 - L'ami véritable, celui qui nous choisit ?
Le CAFE-PHILO du mois d'avril 2019 (activité libre et gratuite) s'est tenu le mardi 09 à 18h30 au café le W. L'animation fut assurée par Marie-Pierre Carcau, Didier Karl en soutien et Janine Delaitre à la modération. Le sujet voté puis traité par le groupe présent fut :
Nos véritables amis sont-ils ceux qui nous choisissent ?
Résumé de la soirée :
De prime abord, l’intitulé du sujet surprend, notamment sur le fait que l’amitié reposerait sur une « dynamique inversée », à savoir que nous serions choisis pour une relation d’amitié par l’autre. Dans cette perspective, autrui semble être désigné comme la personne active qui effectue le choix, qui jetterait son dévolu « amical » sur un autre individu.
Le terme de « véritables » étonne également, il y aurait donc des vrais amis et des faux amis. D’aucuns évoquent la relation amicale sous le drapée de l’authenticité à l’instar de celle de Montaigne et de La Boétie : « En l’amitié de quoi je parle elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel, qu’elles s’effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : parce que c’était lui ; parce que c’était moi. ». Un ami n’est pas un copain, il est celui avec lequel on a une relation privilégiée, c’est-à-dire avec lequel on ressent de fortes connivences et des affinités intimes. Il est peut-être aussi celui qui nous permet de sortir de l’enfance et de ne pas attendre que l’autre nous façonne, nous « choisisse » et nous dicte notre conduite. Il serait davantage ce « maitre », ce héraut qui pratiquerait la « paideia » pour que nous puissions vivre le plus sereinement possible dans le monde des adultes.
Pour autant, dans l’amitié, on offre aussi sa vulnérabilité, ce qui peut mettre la relation en danger et qui peut donc rapidement l’écourter. Sommes-nous donc prêts à nous risquer ? Il n’y a pas d’amitié véritable sans s’immiscer possiblement dans cette brèche. Ici, on rappelle la nécessité d’avoir un tiers dans l’amitié, car une telle relation, pour être de qualité, nécessite une certaine distance entre les êtres à l’inverse d’une relation amoureuse où le risque de fusion entre deux êtres peut commettre le lien dans les pires excès. Il ne faut pas confondre la relation d’amour qui est très souvent exclusive et la relation d’amitié. Un intervenant précise cette pensée : l’amitié existerait vraiment dès lors qu'on peut s’en passer : distinction sans doute radicale avec l’amour.
Dans l’amitié, il se passe quelque chose de non dicible qui sous-tend la relation : nous partageons un commun, des accointances évidentes qui ne se démontrent pas et ne sont pas les résultantes d’un choix. « La relation se fait ou ne se fait pas », mais il n’y a pas de décision qui présiderait à l’origine de la relation. L’amitié est ce qui se vit, ce qui se tient en dehors de toute forme d’utilitarisme, d’objectivation, pire de sujétion de l’autre. Un ami ne se veut pas d’être utile, mais en revanche il se veut indispensable. Si l’amitié possède une quelconque « utilité », elle concerne notre propre prise de conscience grâce à laquelle je peux me percevoir comme un reflet dans le miroir que l’autre me tend. Ce renvoi constitue le creuset de la relation.
Quel est donc ce commun ?
D’emblée, des réponses affleurent, il s’agit pour tout un chacun de ne pas se retrouver seul, de se sentir en sécurité, de pouvoir compter sur l’ami lorsque nous sommes en souffrance ou en difficulté. Un intervenant secoue l’auditoire en proposant de quitter ce « nid douillet » que l’on espère trouver dans l’amitié. D’un coup, surgit l’idée que l’amitié peut se mesurer à l’aune du degré d’incertitude et de férocité que les deux amis peuvent supporter. Tout se passe donc sous le mode infra linguistique : émotionnel ou sensitif dirons-nous. Toute tentative d’objectivation est donc nulle et non avenue.
Nos véritables amis sont-ils ceux qui nous choisissent ?
Toute amitié est fondamentalement recherchée pour elle-même. Pour qu’elle soit véritable, elle doit donc se prémunir de toute tentative de « manipulation », de chosification qui placerait l’autre dans un contrat de dupe. Les liens amicaux se tissent dans l’intime conviction que tout se joue dans la rencontre, et ce, à notre propre insu : comme c’est heureux !
Pour Métaphores, Marie-Pierre Carcau