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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
29 novembre 2017

Résumé Apéro-philo - 20/12/17 - Vulnérabilité et humanité

Apero philo

Le dernier Apéro-philo de l'année 2017 se tenu le mercredi 20 décembre au café-restaurant Un Dimanche à la campagne sur le sujet suivant : 

La vulnérabilité est-elle un signe d'humanité ?

 

Résumé de la soirée :

1)   Tous les vivants étant sensibles, impermanents et mortels, sont voués à éprouver des blessures. L’homme ne fait pas exception à l’ordre général de la nature. On peut se demander dès lors s’il existe une vulnérabilité spécifiquement humaine, et en quoi cette vulnérabilité serait un signe d’humanité.

2)   L’homme, comme l’animal est voué à souffrir, mais il se distinguerait de l’animal par une double aptitude : celle de construire progressivement une représentation de la vulnérabilité par le développement de la conscience réflexive : la souffrance n’est plus simplement un événement passager sitôt oublié, elle induit par la mémoire et l’anticipation un véritable savoir, rapporté au sujet comme tel : la vulnérabilité est ma vulnérabilité. De plus ce savoir se solidifie dans le langage. La souffrance s’éprouve, se pense, se dit, se communique. Elle devient un signe spécifique de l’être humain, capable de se reconnaître vulnérable.

3)   Cette reconnaissance, pourtant, ne va pas de soi. Elle se heurte de front à l’imagination, «  la folle du logis », à l’illusion qui nous fait rêver d’immortalité, d’invulnérabilité, de toute puissance : d’où le culte des héros qui semblent échapper à la mesure commune et satisfont à bon compte notre narcissisme. En général on voit dans la vulnérabilité une marque de faiblesse, d’incomplétude, un défaut, surtout si l’on pense qu’il faut en toute circonstance être un « battant », un gagnant, un performant. D’où la tendance bien compréhensible à cacher ses faiblesses, à dissimuler la vulnérabilité derrière un écran protecteur.

4)   Mais la vulnérabilité réapparaît inévitablement dans les grandes crises émotionnelles, dans l’amour, dans le risque consenti en faveur de certaines entreprises. On ne peut indéfiniment s’enfermer dans sa tour d’ivoire. Vivre c’est aussi se risquer, et alors la vulnérabilité réapparaît. On songe à certains qui ont consenti à risquer leur sécurité pour soutenir de grands projets, courir le monde, ouvrir de nouveaux chantiers à la connaissance. Ils ont dû assumer leur vulnérabilité dans une aventure qui pouvait les détruire.

5)   On découvre que la notion d’humanité est infiniment problématique. Suffit-il d’être un membre du genre humain pour être véritablement humain ? Suffit-il d’être un individu, ou le membre d’une société pour mériter le qualificatif d’humain ? Certains sont résolument inhumains, ou immatures, ou scélérats. On voit que l’humanité n’est pas un simple statut, mais un chemin, une voie, une incertitude et un risque, en tout cas un devenir. Devenir humain, et dans ce devenir quelle est la place, le rôle, la fonction de la vulnérabilité ?

6)   Si la vulnérabilité est vécue d’abord négativement comme marque de la faiblesse et de la finitude, elle est du même coup indice de réalité : il faut bien reconnaître, si l’on veut sortir de l’enfance, quelles sont les lois élémentaires de la réalité, même si ces lois nous infligent un démenti quant au narcissisme spontané : épreuve de réalité douloureuse mais salutaire. Pour autant il serait ridicule de se complaire dans l’énoncé interminable de nos manques, de se déprimer au long cours en gémissant sur les misères de notre condition. La « pauvreté » constitutionnelle de l’homme a été un puissant levier par lequel il s’est donné la force de connaître le monde et de le transformer. « Ce qui ne tue pas me rend plus fort » : leçon de courage, force de l’esprit, puissance de la symbolisation. D’où la science, la loi, la technique. On songe au mythe de Protagoras : si les dieux ont oublié de nous munir correctement d’armes naturelles pour faire face au danger, les hommes auront su inventer le langage grâce auquel ils se donnent des lois et des connaissances pour adapter le monde à leurs besoins.

7)   Enfin, sur un plan éthique, remarquons que c’est par l’assomption de sa propre vulnérabilité que l’homme se rend capable de comprendre la vulnérabilité du prochain, et par là d’accéder à l’humanité morale ou spirituelle, qui décidément fait de lui un humain. Le chemin que désigne le dieu de Delphes est celui d’un « travail » de parturition, d’enfantement, de maturation, qui devrait mener à devenir celui que virtuellement nous sommes.

Pour Métaphores,

Guy Karl

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Commentaires
D
Outre le fait que la question porte sur le rapport de l'homme à sa propre faiblesse, il faudrait, Monique, se demander d'abord ce qu'est la nature dont vous parlez. A quoi renvoie ce mot qu'on convoque sans cesse sans jamais l'interroger. Que recouvre-t-il ? Les oiseaux, le cosmos, les virus, les scorpions, les droséras insectivores, les marées, les tornades, les séismes, les astéroïdes géants ? Qu'est-ce que LA nature ? Ce singulier est pour le moins troublant.<br /> <br /> Au moment où des îles disparaissent par submersion d'autres apparaissent sous l'effet du volcanisme (10 îles sont "nées" au XXe S).<br /> <br /> Ce mot "nature" dissimule à mon sens une arrière-pensée qui n'est pas sans lien avec un affect de peur face à ce qui est trop grand pour nous. Il n'est pas impossible qu'elle pourrait menacer de "se venger" des profanateurs humains. En s'en prenant à la divinité, les hommes ne sont -ils pas en train de se brûler les ailes, histoire d'éprouver dans leur chair la vanité de leur condition, leur intrinsèque vulnérabilité ?
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M
À la lecture du sujet je ńavais pas compris qu’il s’agissait de la vulnérabilité de l’Homme uniquement. Que dire de la vulnérabilité de la nature comme par exemple ces îles qui, par l’effet du dérèglement climatique généré en grande partie par l’Homme, vont être submergées Leurs populations devront être déplacées. L’Homme accroît donc la vulnérabilité de la nature. N’est-il pas de ce fait inhumain?
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C
Très juste; Et d'abord, pour en revenir à l'étymologie, qu'est-ce qui fait blessure? il y a beaucoup à en dire...Et je suis avec vous!<br /> <br /> <br /> <br /> Claudia
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S
Sujet intéressant puisque les deux termes recoupent une norme inhérente à notre essence d'homme à défaut de s'adresser à une prétendue "nature" humaine.<br /> <br /> Désappropriation de soi ou réappropriation de soi, c'est probablement dans cette tension que se jouera notre interrogation. Que faisons nous de notre vulnérabilité ?
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D
TRES TRES BEAU SUJET, je suis heureuse de pouvoir y participer
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