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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
21 janvier 2017

Résumé du Café-philo 14/02/17 - L'enfance est-elle une erreur ?

CAFE-PHILO (2)

Le Café-philo du mois de février s'est tenu le mardi 14 à 18h45 au café Le Matisse (clic). Le sujet traité après propositions des participants et à la suite d'un vote fut :

L'enfance est-elle une erreur ?

1)    La problématique de ce sujet sera très difficile à cerner, et tout au long des débats, les intervenants se demanderont quel en est exactement l’enjeu. En effet, un enfant ne se demande pas si l’enfance est une erreur, seul un adulte, dans un regard rétroactif, peut juger après coup que l’enfance est une erreur. Mais pourquoi une erreur, si chaque humain est condamné à vivre l’enfance avant que de devenir adulte. L’enfance est nécessaire et inévitable, en quoi dès lors serait-elle une erreur ?

2)    L’adulte dira par exemple : l’enfance manque de raison, souffre d’un jugement immature, est porté à croire toutes sortes de fadaises et de chimères, de se plonger dans les fictions, les fantaisies, les contes, et de confondre le réel et l’imaginaire. S’agit-il d’une disposition naturelle, ou bien n’est-ce pas aussi l’effet de l’éducation familiale qui véhicule des histoires et des mythes, auxquels l’enfant est porté à croire ? Un participant signale que l’enfant peut faire preuve, par ailleurs, d’une singulière lucidité en posant les questions qui fâchent : pourquoi ceci, pourquoi cela, et pourquoi et pourquoi. En fait l’enfance n’est pas réductible à un jugement unilatéral.

3)    On évoque le caractère d’inachèvement de l’enfance, qui nécessite l’action éducative, formatrice, laquelle ne va pas aussi sans une certaine altération de sa nature. C’est ce rapport, qui est aussi un paradoxe, que le groupe va interroger : nature et culture, capacités natives et influences éducationnelles. Faut-il corriger l’enfant (attention : le mot a un double sens !) ce qui signifie qu’il est à dresser, dompter, instruire, comme si de nature il était paresseux, vicieux, « pervers polymorphe » - ou à l’inverse faut-il souplement l’accompagner  dans son développement ? Ici se heurtent les thèses et les auteurs, qui se partagent entre « réformateurs » et « accompagnateurs ». Pour simplifier : Kant et Rousseau.

Résultat de recherche d'images pour "l'enfance erreur"

4)    Suit une longue parenthèse sociologique et historique : le concept d’enfance est lui-même une donnée récente, du siècle de Rousseau, car auparavant l’enfance n’était pas vraiment considérée pour soi ; l’enfant était un adulte en miniature, très tôt mêlé à la vie civile et professionnelle. De plus on passait brusquement de l’âge enfantin à l’âge adulte. Le concept d’adolescence est lui aussi fort tardif, alors qu’il est aujourd’hui évident. Pour ces époques révolues, on peut dire qu’alors l’enfance était bien une erreur qu’il s’agissait de rectifier par l’éducation et la religion. Ce n’est plus le point de vue contemporain, qui donne parfois, à l’inverse, dans une sorte d’admiration béate de l’enfance, considérée comme « innocence », liberté, spontanéité, créativité. Autre mythe sans doute, qu’il importe d’interroger.

5)    Au total nous découvrons que la question posée n’a pas beaucoup de sens. En effet, il est moins question de l’enfance en tant que telle que des représentations que l’adulte s’en fait. Nous avons tous été des enfants, l’enfance est un moment de l’histoire personnelle, nécessaire et inévitable, qui en soi ne pose pas de problème. Le problème existe pour le parent qui éduque : considère-t-il son enfant comme un petit animal qu’il faut dresser, comme un pervers polymorphe qu’il faut redresser, comme une erreur de la nature, ou comme un accident fâcheux, ou comme un être en devenir qui a besoin de nourriture physique et psychique, de sécurité et d’amour, et qui, à ces conditions, peut se développer et accéder à une certaine maturité intellectuelle et psychique ?

6)    Je dirais volontiers que cette idée d’erreur est une invention de psychologue mal inspiré ou d’un philosophe grincheux qui a oublié qu’il était enfant que d’être homme.

Pour Métaphores, GK

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Commentaires
D
Bien dit, cher Anaximandre.
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A
J'abonde dans le sens de Démocrite et de son replacement de l'erreur dans son contexte approprié. L'erreur est liée à la connaissance...<br /> <br /> La question aurait pu être : nos erreurs viennent-elles de ce que nous avons été enfant avant que d'être adulte ?<br /> <br /> <br /> <br /> Quant au retour à l'enfance, même dans sa dimension métaphorique, je le crois un peu relevant d'une "mythologie" psychologique. Car quand bien même je me situerais ou j'agirais en enfant, comme un enfant, mon corps d'adulte reste celui d'un adulte, et mon cerveau aussi. "On" ne sort de son corps et de son rythme que dans les hallucinations psychotiques...
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S
Ce sujet nous interroge me semble-t-il, sur notre capacité à renoncer momentanément ou pas à notre idéal d’humanité, c’est-à-dire à détricoter notre bonne croyance en ceci : l’homme ne se réalisera que lorsqu’il deviendra ENFIN adulte. <br /> <br /> René Maria Rilke, Nietzsche également exhortaient l’homme devenu « adulte », à redevenir tel un enfant. L’enfant vit à partir de l’Ouvert : c’est-à-dire ce monde encore vierge de toute limite, de tout centre, de toute périphérie dessinée par l’adulte. <br /> <br /> <br /> <br /> L’enfant est capable de se tenir dans une relation au monde non tronquée « saine », spontanée. Il regarde, il observe à partir d’une perception qui embrasse le monde sans dichotomie aucune entre le soi et le monde. Le moi de l’enfance n’est pas encore cette substance modelée par le regard de l’autre et c’est ce qui constitue et permet son caractère d’imprévisibilité : un acte de liberté en somme.<br /> <br /> <br /> <br /> Quel est au fond l’areté (ἀρετή ), l’excellence, la vertu première et ultime de l’existence ? <br /> <br /> Il ne s’agit pas de retourner dans l’enfance et de tomber dans une forme d’infantilisme ou de sénilité, mais de s’inscrire dans une dynamique créatrice liée à une temporalité originaire, originelle aussi. Créer, c’est se donner la capacité d’espérer et d’in-sister avec ce tout que l’on est dans-le-monde. <br /> <br /> <br /> <br /> C’est au fond peut-être, inscrire dans la brèche du temps une incisive singularité pour devenir ce que l’on est. « L’erreur » serait de ne pas « savoir » prendre ce chemin.
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D
Curieuse question en effet ! L'erreur est liée au raisonnement, au calcul, à la réflexion, à l'analyse. Elle ne trouve son sens que dans une opération cognitive donnée dont on évalue la cohérence et le résultat sur le plan rationnel. Or, l'enfance n'est pas une activité, ni une opération mais une période de la vie. N'y a-t-il pas confusion des plans et intrusion abusive d'un ordre (la raison) dans un autre pour parler comme Pascal ? Ne faut-il pas y voir une expression déguisée de la tyrannie de la normalisation ? <br /> <br /> <br /> <br /> Bref, quels préjugés une telle question contient-elle ? <br /> <br /> <br /> <br /> Car enfin, sommes-nous réellement capables de penser cet âge de la vie sans le juger, sans le moraliser, sans lui imposer le dressage de l'éducation et des finalités fixées à l'avance par d'autres ? <br /> <br /> Hannah Arendt soutient que toute génération montante est potentiellement révolutionnaire car elle porte en elle l'imprévisibilité qui peut à tout instant faire événement et percer la tranquille surface de l'ancien monde, du monde des adultes. C'est pourquoi l'enfance est un enjeu non seulement éducatif mais politique. Il faudra corriger l'erreur avant qu'elle ne survienne, c'est à-dire l'enfance. <br /> <br /> <br /> <br /> L'enjeu a été soulevé lors de la soirée. Peut-on considérer les âges de la vie pour ce qu'ils sont sans y projeter la catégorie obsessionnelle du "devenir" qu'on peut soupçonner de dissimuler l'arrière-pensée des supposés "adultes". <br /> <br /> Dire de l'enfant qu'il est un être en devenir est peut-être (et sans doute) aussi crétin que de dire d'un adulte qu'il est enfin devenu adulte et que pour lui, tout est fini.
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