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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
4 septembre 2015

Résumé du Café-philo du 08/09/15 : coupable ?

Café-philo

 

 La café-philo s'est tenu au café associatif de La Coulée douce (Cité des Pyrénées) à Pau. Les participants ont proposé huit sujets. La question votée par le groupe et traitée dans la soirée fut : "Faut-il toujours un coupable ?"

Résumé de la soirée :

1)       Les faits nous montrent que les choses se passent bien ainsi : sitôt que survient un événement pénible, accident, crime, scandale, désastre naturel ou social, l’opinion s’alarme, amplifiée par les médias : à qui la faute, qui est coupable, ou, qui est responsable ? Suit l’enquête, jusqu’au procès, jusqu’à la désignation du fautif, sauf si l’affaire est si compromettante, si risquée pour le pouvoir qu’elle est étouffée, ou renvoyée aux calendes grecques. Il semble donc qu’il y ait une sorte de besoin pressant, dans le corps social, à repérer le fautif, à le contraindre à réparation : le délit défait en quelque sorte l’équilibre, il faut restaurer l’équilibre, et c’est le rôle de la justice comme institution publique.

2)      Quelqu’un évoque la fable de La Fontaine, Les animaux malades de la peste. Pourquoi la peste ? Il y a nécessairement un fautif, il faut le trouver d’urgence. (On songe au scénario d’Œdipe Roi). Les principaux animaux défilent, vient enfin l’âne qui reconnaît quelque pauvre infraction. C’en est fait, haro sur le baudet. Et le fabuliste conclut superbement :

                   "Selon que vous serez puissant ou misérable

                   Les jugements de cour vous feront blancs ou noirs."

Rappelons que dans les sociétés anciennes la victime expiatoire n’était pas forcément le coupable réel, mais un « pharmakon », un remède désigné à l’avance, bouc émissaire chargé des fautes collectives et voué à l’expiation.

3)       L’époque moderne semble avoir inventé cette forme de subjectivité, où le sujet est déclaré « responsable » de ses actes, entendons qu’il doit en répondre devant le tribunal puisqu’il est censé jouir de ses facultés mentales, disposer du libre arbitre, connaître la loi, et qu’à ce titre il doit assumer les conséquences de ses actes. La culpabilité recouvre, en principe la responsabilité, ou plutôt, c’est la responsabilité qui fonde la culpabilité. Mais cela n’est pas toujours le cas : il y a des fautes sans responsable – songeons à l’aliénation mentale. Ou des responsables sans culpabilité – telle ce ministre selon une formule célèbre : responsable (comme élément du dispositif d’Etat, responsable politique) mais sans culpabilité, puisqu’  aucune faute objective ne peut lui être reprochée.

4)       Il faut bien reconnaître que si en principe chacun est responsable de ses actes, chacun de ces actes s’inscrit souvent dans un écheveau si complexe, si embrouillé d’articles de loi, de décisions partielles, de causes et d’effets entrecroisés, que la responsabilité, puis la culpabilité sont pratiquement indéterminables. On songe à certains crimes de guerre où le processus est si minutieusement planifié, décomposé en mille et cent opérations parfaitement disjointes, que la culpabilité est insaisissable : tout le monde agit, personne n’agit ; tout le monde est responsable, personne n’est responsable. Pourtant le crime a bien eu lieu. Qui paiera les atrocités commises en leur temps ? Peut-être faut-il, au bout du compte, faire comme Henri IV, renonçant à déterminer crimes et criminels des guerres de religion, et décidant de passer l’éponge. Peut-être toute justice, au bout du compte, butte-t-elle sur un impossible, et ne pouvant réparer vraiment, se contente de colmater la brèche.

5)        Reste une question : à quels besoins et désirs répond la désignation du coupable ? Socialement, on l’a vu, c’est le rétablissement (magique) de l’équilibre. Il faut que l’opinion voie ce qu’il arrive à celui qui enfreint la loi, d’où les exécutions publiques, pendaisons, roue, écartèlements, équarrissage et autres joyeusetés des anciens temps. Précisons au passage que ces spectacles infâmes étaient l’occasion de grandes festivités collectives. On se bousculait, se piétinait, s’embrochait pour y assister. On y voit une composante sadique dont la justice ne parvient que difficilement à se séparer. On veut que le criminel souffre, comme si la souffrance infligée dédommageait la victime : loi du talion, esprit de vengeance.

6)       Question philosophique : existe-t-il vraiment un sujet pleinement conscient de soi, libre, souverainement maître de soi et de ses actes ? Bien sûr que non. La société, pour sauvegarder son existence et se pérenniser, se contente de le poser comme un prérequis, un principe a priori – nul n’est censé ignorer la loi – pour que la justice puisse s’appliquer, quitte à introduire en second temps des correctifs, comme la notion de non-responsabilité ou de circonstances atténuantes, en espérant de la sorte rétablir une équité compromise par une application mathématique de la peine.

« La justice est ce doute sur le droit qui sauve le droit « (Alain)

                Pour Métaphores, GK

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Commentaires
G
J'apprécie fort ce témoignage vivant qui donne la mesure de la détresse de certains personnes vouées à la déréliction. C'est dire aussi les insuffisances flagrantes du système judiciaire qui punit sans donner de moyens de rétablissement psychique, symbolique et social. Le pire est d'entendre dire qu'une bonne part des prisonniers sont davantage de psychotiques que des criminels, ou les deux, sans qu'aucun soin ne soit véritablement envisagé à leur égard. Il faut dire aussi que l'état lamentable des prisons ne favorise aucune prise en charge thérapeutique. C'est en amont qu'il faudrait agir, mais qui le veut vraiment ?
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A
Cher Guy, vos dernières réflexions font écho avec des êtres rencontrés, au gré des audiences, des "affaires". Je ne crois pas qu'un seul etre humain se réjouisse de moisir en prison....meme si elle peut devenir un modus vivendi...seulement la prison peut constituer un lieu qui rassure, un lieu qui contient, un lieu qui limite....le sujet contre lui meme, contre ses propres pulsions ou tout simplement contre sa peur de vivre, sans qu'il soit pr autant dangereux pour autrui...<br /> <br /> <br /> <br /> Au delà de la faute à expier, il est des souffrances intèrieures telles qu'elles anéantissent tout projet de vie.....j'évoquerai un homme de trente ans, en prison depuis onze ans, rentré pour trois mois qui n'en est jamais sorti....qui selon ses termes faisait du "tourisme pénitentiaire"....le tour des prisons de france, car le monde extèrieur était devenu source de peur......des vies fracassées. L'homme victime de lui même....coupable de rien, au fond.....sinon de vivre, d'être né, à tel endroit, dans telles circonstances, dans tel environnement...plutot que tels autres...<br /> <br /> <br /> <br /> Au niveau plus symbolique, le rapport à la loi....le sujet fait ce qu'il peut avec les armes qu'on lui a données, transmises, avec l'affection qu'il a reçue ou plutot celle qui lui a manquée....qui peut engendrer par la suite des traits de personnalité antisociale....quasi impossible à corriger....
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G
Encore ceci, qui m'est inspiré par les interventions précédentes : dans la culpabilité il faut distinguer ce qui réel (la faute, culpa), ce qui est imaginaire (certains sont des coupables-nés, auto-désignés comme tels, qui se réjouissent de moisir en prison, et de n'en jamais sortir - quelle faute inexpiable ont-ils à expier ?) - et la dimension symbolique : comment le sujet se positionne-t-il face à la loi .<br /> <br /> Tout cela demande à être repris dans une analyse plus poussée.
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G
L'idée de Aladine me semble très intéressante : quand il n'est pas de culpabilité assignable - comme dans le cas de la maladie mentale - remplacer le procès de culpa bilité par autre chose, mais maintenir la dimension symbolique, sans laquelle en effet le vide laissé revient à annuler le fait (la faute) - que pourtant il faut bien nommer et désigner comme telle. Réparation symbolique ( au sens fort et non tiède) de ce mot, de manière à inscrire quelque chose de signifiant dans le champ social. On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé, ce qui reviendrait à une sorte de déni psychotique.<br /> <br /> De toute manière il faut bien voir que la "réparation" est impossible : on ne rend pas la vie à celui qui a été assassiné et on ne saurait dédommager vraiment le père de la victime, si bien que c'est, au bout du compte, la reconnaissance symbolique qui seule fait effet de réparation. Tout le reste témoigne de la permanence de l'esprit de vengeance : en faire "baver" au coupable, rendre dent pour dent, comme si la souffrance opérait une sorte de lavement : laver le sang dans le sang !
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D
Se moquer du Moustachu ? Prépare tes armes Vieux Frère !
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