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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
5 juin 2019

Résumé Apéro-philo - 20/06/19 - "Tu dois changer ta vie"

Apero philo

L'Apéro-philo du mois de juin  s'est tenu le jeudi 20  à 18h45 au café-restaurant Un Dimanche à la campagne sur le sujet suivant : 

"Tu dois changer ta vie " - est-ce un impératif recevable ?

Résumé de la soirée : 

Cet impératif est formulé de manière soudaine et imprévisible au terme d’un poème « Torse archaïque d’Apollon » dans lequel Rilke parvient à donner une vie singulière et rayonnante à un torse mutilé, comme si le regard, de l’intérieur, parvenait à animer tous les membres, toutes les parties, jusqu’à saisir le spectateur dans son aimantation : et le torse, devenu sujet, sujet absolu, s’adresse au spectateur, à la manière d’un oracle delphique, et ordonne : tu dois changer ta vie.

Ce qui est frappant dans cette formule c’est le caractère total, absolu du commandement. Remarquons que cette injonction s’adresse au spectateur, au contemplateur, et à l’artiste lui-même, sommé de se rendre digne de cette vie plus haute que l’art exprime et revendique. Un tel devoir de transformation totale ne peut se formuler qu’au nom d’une valeur plus haute, comme la Beauté par exemple. Nous avons affaire à une verticalité signifiante, une parole exprimée depuis la transcendance d’un Autre dépositaire d’une légitimité supérieure et incontestée.

Si maintenant on quitte le domaine de l’expérience esthétique pour interroger l’état de la culture présente, les incertitudes et les tourments de l’époque, on se demandera s’il existe une quelconque autorité qui puisse se prévaloir du droit de dire : tu dois changer ta vie.

On remarque d’abord que l’impératif de changement est omni présent dans les discours contemporains : il est dit qu’il faut s’adapter aux évolutions économiques, revoir les codes législatifs, accompagner les mutations sociétales, changer le rapport à la nature, réviser le mode de consommation et de production etc. Tous ces changements sont présentés comme désirables ou favorables (pour qui ?) – mais on se demandera s’ils ne font pas l’objet d’une incantation magique, d’une exhortation langagière et vide, qui n’engage à rien, qui relève du semblant, qui apaise à bon compte. Manifestement l’injonction n’est pas suivie d’effet. Il faut croire que les tenants du discours n’ont pas l’autorité requise.

Le débat se déplace alors vers le domaine de la subjectivité. L’interpellation n’a vraiment de sens que dans un dialogue entre la voix – l’autre qui parle – et le sujet qui écoute, qui entend, qui comprend ou refuse. Plus radicalement encore c’est « je » qui parle, qui me parle à moi, je me parle à moi-même. Le sujet expérimente une division intérieure entre ce qu’il était jusqu’à présent, qu’il est encore – et ce qu’il est appelé à devenir. Jetant un regard rétrospectif sur sa vie, il décide qu’il ne peut plus continuer ainsi, que cette vie est médiocre, insensée, qu’il s’est laissé piéger dans des normes étrangères, des relations toxiques, dans la répétition ou la souffrance, et qu’il est vital d’effectuer un brusque virage, suivant en cela la voix intérieure qui dit : tu dois changer ta vie.

Un tel retournement n’est possible qu’à la suite d’une prise de conscience qui inaugure le processus de changement. La souffrance n’y suffit pas, il faut une décision majeure, et peut-être l’appui de quelque « autre », un ami, un thérapeute, dont le message impératif sera repris, approuvé  et intégré par le sujet lui-même.

Insistons encore : il ne s’agit pas de changer de vie (comme on croit tout résoudre en changeant d’emploi ou de conjoint) mais de changer la vie, le sens de la vie, en conformité avec ce désir plus essentiel qui est présent en chacun, mais si souvent étouffé, nié, refoulé par soumission ou faiblesse. Tu dois changer ta vie, oui, mais pour vivre d’une vie, autant qu’il est possible, qui soit l’expression et la création continuée de ton désir.

Pour Métaphores, Guy Karl

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