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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
12 février 2018

Résumé Manhattan-philo - 4/4/18 : La curiosité est-elle un vilain défaut ?

Manhattan-philo1

Le Manhattan-Philo du mois d'avril s'est tenu le 04 à 18h45 au Manhattan-café, rue de Sully à Pau. Les trois sujets proposés furent :

Sujet 1 : Peut-on apprendre à mourir ?

Sujet 2 : L'amour rend-il aveugle ?

Sujet 3 : La curiosité est-elle un vilain défaut ? 

Après le vote rituel, le sujet choisi par le groupe fut : 

La curiosité est-elle un vilain défaut ?

Résumé de la soirée :

Pour ce Manhattan-philo, le public a choisi de traiter le sujet suivant : « la curiosité est-elle un vilain défaut ? »

Si l’expression peut prêter à sourire, en ceci qu’elle a une valeur moralisatrice, adressée principalement aux enfants, elle cache en fait un problème plus profond. La curiosité est en effet le lieu d’une ambivalence. D’une part, elle semble un défaut, s’il s’agit de regarder quelque chose qu’on ne peut ni ne doit savoir. Pascal dit ainsi que « la principale maladie de l’homme est la curiosité inquiète des choses qu’il ne peut savoir ». Mais d’autre part, elle est aussi le moteur même de l’activité scientifique et philosophique. Son étymologie, le soin, indique qu’elle est une attention positive et bienveillante. Ainsi, je propose au public de distinguer ce qui relève de la vertu et du vice dans la curiosité.

Quelqu’un fait d’abord référence au conte de Perrault, Barbe-bleue, où la femme du terrible et sanguinaire mari a la curiosité coupable d’ouvrir la pièce interdite ; mettant en péril sa vie. La curiosité paraît bien ici un défaut. Est aussi distingué la pulsion de voir et le désir de savoir. D’un côté, la pulsion relève d’un comportement non réfléchi, instinctif, et de l’autre, le désir de savoir est un comportement plus intellectualisé.

De façon globale, le public fait l’éloge de la curiosité, en montrant comment elle a permis à l’homme de progresser, de sortir des préjugés, de l’obscurantisme, et en un mot de faire évoluer la science. Mais se pose alors la question de savoir pourquoi on a aussi une méfiance envers la curiosité. La raison qu’avance un participant est sociale. La curiosité que j’ai pour les affaires de mon voisin, de mon collègue, bref, de ce qui ne me concerne pas, me fait sortir de l’ordre dans lequel je suis inscrit, et relève de la transgression. Il cite ainsi la culture chinoise à cet effet, où dans le confucianisme, le respect de la place de chacun est essentiel.

Est aussi distinguée une curiosité de voir ce que l’on pressent, et une curiosité de voir ce que l’on ignore absolument. Ainsi, le voyeur, au sens strict, n’est pas curieux, car il sait ce qu’il va voir. Mais celui qui cherche à savoir ce que contient une pièce secrète, ou mieux, ce qu’il y a « après la mort », est curieux d’un objet absolument inconnaissable, et c’est là un sens plus profond de la curiosité, qui peut prêter à la critique si l’objet inconnu est aussi inconnaissable : pourquoi chercher à connaitre ce qui est inconnaissable ?

La curiosité pourrait relever ainsi de la volonté de maitriser ce que l’on ignore et ce que, de fait, on craint. Est suggéré alors que l’objet de la curiosité n’est pas tant les choses que soi-même. Le curieux cherche une expérience, un vécu, une connaissance de soi, davantage qu’une simple information sur les choses. De ce point de vue, la curiosité renvoie au rapport qu’un sujet entretient avec le monde en général, et non d’un simple désir de connaissance.

Le public est aussi amené à réfléchir sur la société contemporaine où l’on peut voir et être informé de tout. Les phénomènes de la télé-réalité viennent ainsi nourrir cet appétit de voir. La rumeur, qu’un participant identifie au commencement du langage chez les grands singes, vient régulièrement gonfler les lignes des journaux. Mais à cette curiosité de bas étage, de nombreux participants s’empressent d’opposer la saine et vivante curiosité qui manifeste en l’homme un soin pour la vérité, pour l’inconnu, bref, pour quelque chose dans lequel il peut progresser et grandir. De ce point de vue, la curiosité n’est non seulement pas un défaut, mais sans doute une qualité que nous manquons de cultiver suffisamment. 

 Pour Métaphores, Timothée

 

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Commentaires
D
Mais c'est sans doute en "batifolant" que Bento (allons y pour les prénoms puisque vous le faites !!!) s'est rendu compte des incohérences des livres "sacrés" qu'il lui était imposé d'étudier. Je ne crois pas qu'il avait la perspective de les "détruire" en s'y initiant. <br /> <br /> Sans doute aussi, les premières réflexions de Giordano Bruno ne furent point déterminées par ses conclusions.L'étude et de la réflexion forgent des valeurs et des croyances que l'on va défendre dans un second temps si tant est que l'on ait en soi la capacité à le faire. Lui les avaient (comme beaucoup d'autres....).<br /> <br /> Ce n'est que mon hypothèse, mais en batifolant, il est possible pour tous de "rentrer" dans un sujet et de "sortir du rang".<br /> <br /> Croyez bien que je regrette aussi mes soirées paloises et que je n'ai pas retrouvé au fil de mes errances de cercle aussi agréable que le votre
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D
Tout à fait, cependant la question prend, me semble-t-il une tournure problématique plus forte puisqu'il s'agit de penser le "vilain défaut", la si grave défaillance morale présupposée. Qu'y a-t-il de si vilain dans la banale curiosité, "sans question et sans perspective" ?<br /> <br /> Le désir de savoir qui anime l'esprit curieux, peut apparaître comme une menace forte pour toute organisation sociale considérée comme holistique. Qui se pique de curiosité dans ce sens-là s'arrache à la norme commune et donne à voir ou à penser ce qui est maintenu sous silence. Le "vilain défaut" prend ici une autre signification, une manière de dire "rentre dans le rang !".
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G
Peut-être, mais le curieux banal est plutôt un badaud qui vaticine de "curiosités" en "curiosités", sans véritable projet, sans question et sans perspective. Leonard et Giordano sont d'une autre trempe. Ce qui montre que la curiosité ne suffit pas : il faut une vraie volonté de savoir, qui accepte d'en payer le prix.
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D
Le caractère transgressif de la curiosité est ici central pour en saisir l'impertinence et la condamnation morale dont elle fait l'objet car si elle peut remettre en cause l'ordre intérieur du sujet, elle peut aussi s'attaquer à tout l'ordre social et politique : qu'on songe à Galilée, à Darwin, à tous ceux qu'on appelle aujourd'hui les lanceurs d'alerte dont la curiosité les amène à dénoncer un paradigme normatif et dogmatique ou une organisation corrompue. Ceux-là doivent payer le prix de leur audace tels Galilée condamné à 2 ans de prison par le justice du Pape et avant lui Bruno brûlé pour avoir exercé sa curiosité intellectuelle dans une direction (panthéiste et infinitiste) qui remettait en cause le modèle dominant.<br /> <br /> Pour parvenir à la maxime spinoziste évoquée par notre ami Dominique, que je salue et qui manque à nos soirées, il en faut du détachement et une forme de non-adhésion aux idées. <br /> <br /> Au fond, le curieux est peut-être celui qui ne croit pas fondamentalement aux Idées et qui doutant de tout, ne peut s'empêcher d'y aller voir comme pour déjouer le jeu, dérégler la règle, façon de dire, on ne me le fait pas ! L'énigme est insaisissable.
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D
Non ridere, nec lugere, neque detestari, sed intelligere....<br /> <br /> le choix paraît posé...
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