Résumé Manhattan-philo - 4/4/18 : La curiosité est-elle un vilain défaut ?
Le Manhattan-Philo du mois d'avril s'est tenu le 04 à 18h45 au Manhattan-café, rue de Sully à Pau. Les trois sujets proposés furent :
Sujet 1 : Peut-on apprendre à mourir ?
Sujet 2 : L'amour rend-il aveugle ?
Sujet 3 : La curiosité est-elle un vilain défaut ?
Après le vote rituel, le sujet choisi par le groupe fut :
La curiosité est-elle un vilain défaut ?
Résumé de la soirée :
Pour ce Manhattan-philo, le public a choisi de traiter le sujet suivant : « la curiosité est-elle un vilain défaut ? »
Si l’expression peut prêter à sourire, en ceci qu’elle a une valeur moralisatrice, adressée principalement aux enfants, elle cache en fait un problème plus profond. La curiosité est en effet le lieu d’une ambivalence. D’une part, elle semble un défaut, s’il s’agit de regarder quelque chose qu’on ne peut ni ne doit savoir. Pascal dit ainsi que « la principale maladie de l’homme est la curiosité inquiète des choses qu’il ne peut savoir ». Mais d’autre part, elle est aussi le moteur même de l’activité scientifique et philosophique. Son étymologie, le soin, indique qu’elle est une attention positive et bienveillante. Ainsi, je propose au public de distinguer ce qui relève de la vertu et du vice dans la curiosité.
Quelqu’un fait d’abord référence au conte de Perrault, Barbe-bleue, où la femme du terrible et sanguinaire mari a la curiosité coupable d’ouvrir la pièce interdite ; mettant en péril sa vie. La curiosité paraît bien ici un défaut. Est aussi distingué la pulsion de voir et le désir de savoir. D’un côté, la pulsion relève d’un comportement non réfléchi, instinctif, et de l’autre, le désir de savoir est un comportement plus intellectualisé.
De façon globale, le public fait l’éloge de la curiosité, en montrant comment elle a permis à l’homme de progresser, de sortir des préjugés, de l’obscurantisme, et en un mot de faire évoluer la science. Mais se pose alors la question de savoir pourquoi on a aussi une méfiance envers la curiosité. La raison qu’avance un participant est sociale. La curiosité que j’ai pour les affaires de mon voisin, de mon collègue, bref, de ce qui ne me concerne pas, me fait sortir de l’ordre dans lequel je suis inscrit, et relève de la transgression. Il cite ainsi la culture chinoise à cet effet, où dans le confucianisme, le respect de la place de chacun est essentiel.
Est aussi distinguée une curiosité de voir ce que l’on pressent, et une curiosité de voir ce que l’on ignore absolument. Ainsi, le voyeur, au sens strict, n’est pas curieux, car il sait ce qu’il va voir. Mais celui qui cherche à savoir ce que contient une pièce secrète, ou mieux, ce qu’il y a « après la mort », est curieux d’un objet absolument inconnaissable, et c’est là un sens plus profond de la curiosité, qui peut prêter à la critique si l’objet inconnu est aussi inconnaissable : pourquoi chercher à connaitre ce qui est inconnaissable ?
La curiosité pourrait relever ainsi de la volonté de maitriser ce que l’on ignore et ce que, de fait, on craint. Est suggéré alors que l’objet de la curiosité n’est pas tant les choses que soi-même. Le curieux cherche une expérience, un vécu, une connaissance de soi, davantage qu’une simple information sur les choses. De ce point de vue, la curiosité renvoie au rapport qu’un sujet entretient avec le monde en général, et non d’un simple désir de connaissance.
Le public est aussi amené à réfléchir sur la société contemporaine où l’on peut voir et être informé de tout. Les phénomènes de la télé-réalité viennent ainsi nourrir cet appétit de voir. La rumeur, qu’un participant identifie au commencement du langage chez les grands singes, vient régulièrement gonfler les lignes des journaux. Mais à cette curiosité de bas étage, de nombreux participants s’empressent d’opposer la saine et vivante curiosité qui manifeste en l’homme un soin pour la vérité, pour l’inconnu, bref, pour quelque chose dans lequel il peut progresser et grandir. De ce point de vue, la curiosité n’est non seulement pas un défaut, mais sans doute une qualité que nous manquons de cultiver suffisamment.
Pour Métaphores, Timothée