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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
15 janvier 2018

Résumé Café-philo - 13/02/18 : Perdre son temps ?

CAFE-PHILO (2)

Le CAFE-PHILO du mois de février 2018 (activité libre et gratuite) s'est tenu mardi 13 à 18h45 à Pau au Palais Beaumont. Il fut animé par Guy, philosophe, et modéré par Nicole. Le sujet voté par l'assemblée présente et motivée fut :

Pourquoi faudrait-il ne pas perdre son temps ?

Résumé de la soirée : 

1)   La question est évidemment une provocation, si l’on songe à l’injonction universelle de mettre son temps à profit, de gagner du temps, de gérer le temps, voire de le maîtriser. Si «  le temps c’est de l’argent » on saisit d’emblée la nature de cette injonction, dans un monde dominé par le souci de la rentabilité, de l’utilité et de la performance.  D’où l’intérêt de la question : faut-il se soumettre sans résistance au diktat du système, ou bien rechercher un autre rapport au temps, dans lequel le sujet puisse sauvegarder ou affirmer quelque chose de sa subjectivité créatrice ?

2)   D’emblée le groupe met l’accent sur cette injonction sociale et sociétale : le temps est précieux, il faut l’utiliser, ne pas le gaspiller, ne pas le perdre. Etre efficace, gérer rationnellement, être performant. Discours dominant qui exerce une pression constante, au travail, mais aussi hors du travail, dans les loisirs, l’organisation familiale, les rapports sociaux ; diktat qui détermine les rythmes de la vie sociale, mais aussi individuelle. Forme moderne de la moralité, avec ses devoirs et ses interdits spécifiques, qui détermine largement l’image que chacun se fait de soi et qu’il renvoie aux autres.

3)   Le manquement à cette injonction crée chez certains un sentiment de malaise, une sorte de stress, ou de mauvaise conscience : cela vérifie l’analyse précédente.

4)   Mais ces analyses ne rendent compte que d’un aspect de la question en négligeant le pôle subjectif : le sentiment de perdre son temps s’éprouve plutôt dans l’ennui, dans l’impuissance, dans l’inoccupation stérile, voire dans des occupations faites sans plaisir. On peut perdre son temps tout en se dévouant  à quelque tâche socialement utile, pour peu qu’on n’y trouve aucun intérêt personnel. Apparaît alors un nouveau thème : le temps devient mon temps si je suis en accord avec moi-même, si j’agis en conformité avec moi-même, selon mon désir, en exerçant ma liberté. Dans ce registre les injonctions et valeurs sociales n’ont plus cours. Le temps perdu c’est le temps aliéné.

5)   Perdre son temps c’est souffrir, soit par impuissance, inhibition – alors je ne puis rien faire, ni agir, ni penser – soit parce que je suis contraint de faire ce que je n’ai nulle envie de faire. Sitôt que je retrouve mon désir et ma liberté je n’ai plus le sentiment de perdre mon temps, et même si je ne fais que contempler, penser ou rêver, je suis dans mon temps (mon tempo) personnel, j’ai le plaisir d’être là, présent à moi et au monde. Voir la cinquième « Rêverie » de Rousseau, qui, allongé sur sa barque au milieu du lac de Bienne, goûte le ravissement d’une inactivité plaisante et le pur sentiment de son existence.

6)   « Les processus inconscients sont intemporels » notait Freud. C’est dire que par un côté de notre être nous sommes étrangers aux impératifs sociaux, dans la rêverie, le fantasme, le désir et les productions diverses de l’art. L’homme est condamné à vivre sur deux plans à la fois, s’adaptant vaille que vaille à la nécessité sociale (principe de réalité), et rêvant d’une vie plus libre (principe de plaisir). Quand l’opposition entre les deux plans est trop violente l’homme souffre, et a le sentiment de perdre son temps en manquant sa vie. Dans l’idéal on peut souhaiter que chacun puisse, dans la mesure de ses moyens, et selon les circonstances, introduire un peu de fantaisie dans le sérieux de la vie, et faire souffler « un supplément d’âme ».

Pour Métaphores,

Guy Karl

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Commentaires
D
Le temps obéit à deux logiques qui se rencontrent immanquablement : celle de la science qui depuis Aristote l'a défini comme "le nombre du mouvement", ce qui permet de calculer, de rendre compte par la raison (ratio) de ce qui passe grâce à une unité de mesure et à distance spatiale entre un point A et un point B ; à cette dimension s'ajoute celle des besoins sociaux qui organisent le temps social et l'emploi du temps.<br /> <br /> Le problème est qu'il s'agit dans les deux cas d'un temps quantitatif comme l'a bien montré Bergson sans rapport avec la durée qualitative qui fait l'intensité du vivre.<br /> <br /> On peut alors se demander si le temps n'est pas une injonction liée à la pulsion de maîtrise dont il s'agirait d'apprendre à se défaire en vivant hors temps, comme dans la sieste, la rêverie, la création à la manière du sérieux de l'enfant quand il joue et qui se moque de Chronos.<br /> <br /> Précisément, le rappel des deux autres dimensions du temps, le Kaïros (l'intervention opportune, l'irruption favorable) et l'Aïon (la durée éternelle) sont des qualités sensibles que la conscience peut et doit retrouver pour éprouver la qualité de la vie. Alors le sujet prend une dimension existentielle et éthique. Qu'il serait doux de s'affranchir du temps, de se moquer des marqueurs sociaux et de se laisser aller aux rythmes de la nature. Sous le temps, la temporalité cosmique des profondeurs, celles des poètes et des fous de vérité, celles des sages...
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V
Je pense qu'avoir l'impression de perdre son temps est nourrie par l'inquiétude inconsciente ou pas de notre irrémédiable fin.A cause de cela ,l'homme a envie d'utiliser au mieux son temps libre ,a des occupations qui soient proches de ses désirs les plus profonds et digne de l'intérêt qu'il lui porte. Ce temps soit disant perdu,gaspillé,ruiné que l'on souhaite parfois vouloir rattraper est percu différemment selon les individus ,et tient compte souvent de leur interprétation et leur rapport au monde. Nos moins bons souvenirs de temps dits perdus,peuvent etre transformés en apprentissage et expérience de vie supplémentaire .Le temps est fixe ,nous faisons que l'utiliser au mieux,nous passons a travers le temps et ne reste qu'un vague souvenir de nous.
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