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Métaphores : CAFES-PHILO - CERCLE LITTERAIRE à Pau
5 novembre 2016

Résumé Café-philo du 13/12/16 - Du désir sans objet ?

CAFE-PHILO (2)

Le Café-philo du mois de décembre s'est tenu le mardi 13 à 18h45 au café Le Matisse (clic) à Pau (17 rue Lalanne, face au musée des Beaux-Arts). Le sujet voté par le groupe présent fut : 

Un désir sans objet est-il concevable ?

Résumé :

 1) Spontanément le désir se spécifie par l'objet : désir de...et la société contemporaine n'est pas en reste pour fournir d'innombrables objets à convoiter, dans le jeu infini d'un miroitement sans précédent dans l'histoire. Société de l'Objet pourrait-on dire. Mais à un niveau plus profond le même problème surgit : je désire être aimé, être reconnu, admiré - autant d'objets", immatériels, imaginaires ou symboliques. Ou bien je désire l'amour de ma partenaire, je désire son désir. Toujours on désire "quelque chose", alors même que nous savons pas au juste ce que nous désirons, au delà de l'objet identifiable et nommable. Le désir ouvre sur un espace infini, que rien ne semble pouvoir combler. C'est du moins l'approche classique de la question. Le sujet, à l'inverse nous propose une direction insolite : un désir qui ne se suspend pas à la représentation d'un objet, qui ne se définit pas par lui, qui l'excède ou le précède.

 2 ) Première proposition : le désir naît d'un manque, s'élance vers un objet supposé apte à combler ce manque de manière à obtenir la satisfaction. On se demandera toutefois si cette position ne rabat pas le désir sur le besoin : la soif, la faim etc qui, en effet, relèvent de cette analyse. Mais le désir n'est pas le besoin. L'objet du désir est moins circonscrit, moins immédiatement naturel, plus fluctuant, mobile et quasi indéfinissable. De plus il se déplace constamment (métonymie) ce qui crée une sorte de "folie" du désir dont se moquaient les auteurs de l' Antiquité : insatisfaction, démesure, errance, pusillanimité. Le sage se définissait par l'aptitude à se tempérer, donc à contrôler la mécanique du désir.

 3) Pour avancer il apparaît nécessaire de préciser ce qu'on entend par désir, même si chacun voit fort bien de quoi on parle : certains proposent une définition élargie, moins psychologique. Elan vital, force vitale, énergie de vie, effort pour persévérer dans son être, mouvement : le désir serait la manifestation spontanée de l'énergie, dont le défaut entraîne la stase dépressive. Vivre et désirer seraient quasiment synonymes. Selon cette perspective le désir ne naîtrait pas de la fascination de l'objet, mais serait en quelque sorte antérieur, principiel, bien qu'invisible, et se manifesterait clairement lors de la rencontre de l'objet. Spinoza : " ce n'est pas parce qu'une chose est belle que je la désire, mais c'est parce que je la désire qu'elle est belle". Je suis désirant de par ma nature d'homme, et ce désir se manifeste en créant le désirable, selon la logique seconde d'un "kairos" - l'occasion favorable, la bonne rencontre.

 4) Plusieurs personnes insistent sur le fait que le désir ne consiste pas seulement à cueillir les beaux objets offerts par la nature ou la société, mais bien davantage dans la capacité de créer ce qui n'existe pas encore - ce qui tendrait à prouver une antériorité du désir sur l'objet. C'est la logique de l'art, au sens étendu du terme. comme si l'homme ne pouvait se satisfaire de ce qui est et qu'il exprime davantage son essence en créant ce qui n'est pas encore : homo faber, homo estheticus. C'est aussi le cas des grandes réalisations culturelles qui font jaillir de nouvelles images et pensées de par le monde. L'objet n'est pas donné, il est toujours à venir...

Café-philo du 13 12 16

 5) Suit un débat sur la difficulté d'obtenir une véritable satisfaction : que d'objets décevants ! Que d'objets si vite obsolètes ! Même dans l'activité artistique, si pleine, si intense, si expressive  comment ne pas expérimenter une forme de "ratage fécond" qui n'est pas exactement un échec, mais une sorte d'impossibilité structurelle : même dans l'oeuvre la plus belle il reste "un quelque chose" qui n'est pas dit, ou mal dit - qui nécessite la relance, et une autre oeuvre, à l'infini. Cette inadéquation semble constitutive, non seulement de l'oeuvre d'art, mais de l'existence humaine en tant que telle. L'objet fascine et se dérobe : vertige du désir.

 6) "Cet obscur objet du désir " - obscur parce qu'il n'y a pas de science du désir, pas de savoir concluant et décisif, ce que chacun peut découvrir en soi-même, pour peu qu'il accepte de s'observer lui-même. Le désir vient et part, et revient, furet indéfiniment déplacé. On peut décider de courir à l'infini, et comme Don Giovanni dans Mozart, accumuler les conquêtes, ou les échecs. On peut aussi prendre acte de cette béance structurelle, la considérer comme définitive et sans remède, et de là, réduire les désirs, désidéaliser les objets et opter pour une certaine simplicité : "non plus quam minimum" (Lucrèce) mais de ce minimum faire oeuvre de beauté.

 7) L'objet est-il cause du désir ? Ce n'est pas si sûr. Peut-être n'est-il que le support plus ou moins illusoire d'une démarche de vivre et de créer qui elle n'est pas illusoire. 

Pour Métaphores,

Guy Karl

 

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Commentaires
G
I s'agit de faire un déplacement, ce qui n'est possible qu'à la faveur d'une conscience qui prend acte d'un changement significatif dans l'inconscient : changement de point de vue, irruption de l'impensé, fracture d'une représentation.
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C
Comment ne pas tourner en rond en effet si les conditions d'accès à son désir ,- propre vraiment?-, sont prises dans la trilogie fameuse, inhibition, symptôme, angoisse?<br /> <br /> Ce que la dérivation masque fréquemment lui barrant le chemin d'une décision. <br /> <br /> Où on retrouve les "conditiond d'accès"....<br /> <br /> claudia
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D
Oui, mais cela pose le problème des conditions d'accès à son propre désir. Comment régler l'écart créateur de liberté si l'accès au libre présuppose d'emblée une forme de lâcher-prise autrement dire... d'écart par rapport à soi comme à tout ce qui entoure le sujet ?
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G
A titre personnel - puisqu'il m'est difficile de parler en sujet libre dans un groupe dont j'ai à assurer le questionnement - j'aimerais bien pointer une direction possible de recherche : rejetant la frénésie d'objets qui fait notre monde, le sujet pourrait introduire une dérivation, un clinamen, par quoi ce n'est plus l'objet qui exerce son pouvoir d'attraction (causalité aveugle) mais par quoi c'est le sujet lui-même qui décide de régler son écart, l'écart vénusien, la diva voluptas.
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D
Bravo pour ce remarquable résumé ! <br /> <br /> <br /> <br /> Un point d'approfondissement : il n'est pas impossible que la fascination pour l'objet soit la conséquence d'un mirage dont Spinoza a montré la structure dans la citation mentionnée plus haut. L'objet est investi socialement et subjectivement comme une cause du désir alors qu'il n'est que le produit ou l'effet d'un investissement dont la causalité réelle demeure inconsciente ou méconnue. "Ce n'est pas parce qu'une chose est belle que je la désire..." Toute la publicité comme les passions identifiables reposent sur cette inversion de même que le désir mimétique (ce n'est pas l'objet qui est désiré mais le désir de l'autre).<br /> <br /> L'attachement à l'objet se révèle non seulement une illusion de la représentation mais une errance infinie dont les conséquences psychologiques et éthiques sont considérables. Mais c'est là un autre sujet...
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