Résumé café-philo du 11/10/16 : Vivre et se mentir à soi-même ?
Le café-philo de Pau du mois d'octobre s'est tenu le mardi 11 à 18h45 au café associatif La Coulée douce - Cité des Pyrénées (maison de la montagne) rue Berlioz. Un vote démocratique a décidé du sujet à traiter :
Peut-on, pour vivre, ne pas se mentir à soi-même ?
Résumé de la soirée :
1) Quel est le sens de cette question ? Celui qui parviendrait à ne pas se mentir à lui-même pourrait-il encore vivre dans la société telle qu’elle est ? Ou bien au contraire pourrait-il accéder à un vivre de meilleure qualité, même s‘il constate un écart significatif entre sa vie et celle des autres ?
2) Le groupe, dès l’abord, relève des présupposés dans la question : quel est ce soi dont il faudrait prendre connaissance ? Est-il possible de ne pas se mentir ? Pour mentir ne faut-il pas la connaissance préalable de la vérité ? S’il est facile de concevoir le mensonge à l’égard d’autrui, plus difficile est l’idée d’un auto-mensonge.
3) Une grande partie de la soirée va être consacrée à la définition du mensonge. Le mensonge est un acte de parole intentionnel qui consiste à dire quelque chose que l’on connaît soi-même comme étant faux. Celui qui découvre qu’on lui ment se sent dupé, blessé, trahi. Il y voit une rupture de la confiance, surtout si c’est l’œuvre d’un ‘ « ami ».
4) Peut-on se mentir à soi-même ? Là-dessus les avis sont partagés et donnent lieu à des approfondissements considérables. On peut se mentir à soi-même en se cachant des vérités que l’on connaît par ailleurs, en se coulant dans des attitudes, des positions insincères , par conformisme, ambition, jeu, séduction, flatterie, peur, se laissant peu à peu prendre au piège, au mépris de son vrai désir fondamental. On se coule dans la toile que l’on a soi-même ourdie : mensonge social, voire existentiel, dont on serait à la fois la cause et la victime. La littérature explore abondamment des situations de ce genre. Un participant cite les Précieuses ridicules de Molière. D’autres des expériences vécues.
5) Il devient fort difficile de distinguer la part du refoulement, du déni, de l’illusion consentie et entretenue, et autres mécanismes de défense – du mensonge proprement dit. Le mensonge est intentionnel : puis-je délibérément décider de me mentir à moi-même ? La question n’est pas tranchée, peut-être ne le peut-elle pas. Si je me mens je sais que je me mens ? On n’en sort pas, sauf à admettre (c’est ma thèse) qu’il existe ici un clivage entre le conscient et l’inconscient : le conscient campe sur une position de dénégation, l’inconscient « sait » ce qu’il en est. Un enfant par exemple, qui a volé, soutient qu’il n’a pas volé, il l’affirme avec tant de force qu’il finit par y croire : il se ment à lui-même. Mais inconsciemment il sait. La contradiction sera levée avec la reconnaissance du savoir refoulé qui revient à la conscience.
6) Quoi qu’il en soit, mensonge à soi-même, illusion, refoulement, piperie, « cacherie », dénégation ou déni, constatons que toutes ces stratégies participent de la difficile adaptation à la vie sociale, qui exige beaucoup de nous, et notamment une sorte d’hypocrisie institutionnelle : refoulement des pulsions, renoncements narcissiques, compétition, performance. Dès lors être vrai pour soi devient une tâche très difficile. Vivre, ce sera jongler avec les impératifs sociaux, tout en veillant à sauvegarder l’essentiel, le désir fondamental. En ce sens il est sans aucun doute urgent de ne pas se mentir à soi-même, en cultivant notre part singulière de vérité.
Pour Métaphores, Guy Karl