Résumé de l'Apéro-philo 17/11/16 - L'humain et la sexualité
L'Apéro-philo du mois de novembre s'est tenu le jeudi 17 à 18h45 au café-restaurant le Dimanche à la Campagne, face au parc Beaumont à Pau. Le sujet proposé fut :
"La sexualité nous enseigne-t-elle quelque chose au sujet de l'être humain ?"
Résumé de la soirée :
1) Pour la philosophie traditionnelle l’homme est d’abord un être de langage : « zoon logon echon » - le vivant qui possède le langage, et partant, la raison, la faculté de connaissance. La sexualité est souvent ignorée, ou tolérée à la faveur de la nécessité de la reproduction. S’en suit régulièrement une mise en garde morale, la sexualité inspirant certaines passions aveugles ou aliénantes. On peut se demander à quoi tient cette relégation et si, voulant faire l’ange on ne fait pas la bête (Pascal). Qu’y a -t-il donc de si dérangeant dans la sexualité qu’il faille, et dans le discours religieux, et dans le discours philosophique, multiplier les mises en garde, voire les condamnations ?
2) Quelques rappels s’imposent pour la clarté de l’analyse : la sexualité est plus large que la génitalité, qui n‘apparaît qu’à la puberté. Or il y a une sexualité enfantine, qui met en jeu d’autres zones érogènes, lesquelles continuent d’avoir un rôle jusque dans la génitalité adulte (par ex le baiser). L’extinction de la génitalité chez le vieillard ne supprime pas davantage la sexualité, qui se rabat sur les zones prégénitales. C’est peut-être cette dimension hors-génitale, donc improductive, qui agace le plus les moralistes. Deuxième point : la sexualité crée un corps érogène (ou érotique) à partir du développement des pulsions partielles : buccales, anales, phalliques puis génitales, opérant une sorte de raccordement empirique, fait de bouts de corps, avec des zones très sensibles et d’autres non : il en résulte que chaque sujet a un corps érogène singulier, dont la logique première est l’obtention du plaisir, selon le rapport fondamental tension-détente. Le plaisir est gratuit, entendons qu’il n’a aucune utilité sociale, ce qui est peut-être une indication précieuse. On veut bien du sexe s’il sert à la reproduction, mais non s’il ne sert à rien…qu’à procurer du plaisir. Troisième point : les comportements sexuels témoignent d’une grande variété et plasticité, notamment dans le choix d’objet, qui décidément ne semble pas prédéterminé par la nature ou par l’instinct : homosexualité, bisexualité, transsexualité, monosexualité. Le choix d’objet relève d’une histoire personnelle, d’un jeu complexe d’influences dont il serait prétentieux de prétendre donner la formule. Bref, la sexualité humaine n’est pas la sexualité animale, ni une donnée instinctive prescriptive, elle exprime une liberté face à la nature, elle est inventive et polymorphe. En ce sens elle exprime la spécificité irréductible de l’être humain.
3) L’essentiel de la première partie du débat portera sur les empêchements, restrictions, répressions et condamnations de la sexualité : Dieu, la morale, la tradition, les sentiments de honte, de gêne, de culpabilité, de pudeur résultant des systèmes éducatifs. On veut bien admettre la sexualité à condition, soit qu’elle serve à la reproduction, soit qu’elle s’accompagne de tendresse, d’amour, de bienveillance, ou de beauté, mais non le fait brut, qui relèverait de la « bestialité », terme qui évoque la perversion plus que l’animalité. Peut-être y a –t-il là une résistance qui témoigne en effet d’une protestation contre les lois de nature, d’une rébellion contre la physiologie, en un mot d’un réel inassimilable.
4) Reste que la sexualité inspire le désir, anime l’être d’un mouvement excentrique, le porte à la rencontre de l’autre, colore l’existence et dynamise : œuvres d’art, littérature – et même philosophie !
5) Après la pause un débat passionné oppose les tenants d’un Eros sublime, où se révèlerait une dimension sacrée, divine, esthétique et métaphysique, l’individu, dans l’acte charnel, avec la partenaire s’ouvrant à l’infini (on peut penser au Tantra) – et ceux qui refusent ces conceptions éthérées pour mettre l’accent sur la « naturalité » indépassable de la sexualité. Nous sommes menés par des forces intérieures qui agissent à notre insu, réveillent le désir et l’éteignent sans que le sujet y ait une part volontaire : absurde de la pulsion qui agit quand elle veut et où elle veut. On songe à Pascal qui remarquait que les pensées viennent et vont, hors de contrôle.
6) « Il n’y a pas de rapport sexuel » - Non qu’il n’ y ait point d’actes dits sexuels, mais l’expérience montre que la jouissance, même dans des bras bien-aimés, dénote une solitude indépassable : chacun jouit de ce qui le fait jouir, qui n’est pas la même chose pour l’autre. On voudrait que les choses concordent, s’unifient dans l’extase, suppriment la solitude respective, mais cela relève sans doute des mythes de l’amour. L’orgasme ne permet pas, en dépit des espoirs, un dépassement de la condition humaine.
7) Resterait à voir, nous n’en avions plus le temps, ce qui pourrait constituer une éthique de la sexualité, en cette époque où 70 pour cent de personnes souffrent de misère sexuelle : mais il probable qu’un consensus sur ce point n’aurait pu émerger vues les divergences qui se sont manifestées au cours de la soirée.
Pour Métaphores, GK