Métaphore de rentrée
Le mois de septembre est celui de la rentrée. L'association Métaphores ne fait pas exception. Elle revient proposer dans l'espace public palois ses diverses activités philo-littéraires, inviter chacune et chacun à des rencontres dont l'objectif premier consiste à "penser ensemble", à interroger collectivement ce qui est la plupart du temps recouvert par les mécanismes de la vie ordinaire, lesquels menacent sournoisement les sources vives de l'esprit. Comme le souligne Bergson, "sitôt que nos actions deviennent automatiques, la conscience s'en retire".
C'est bien de conscience dont il s'agit. Philosopher, c'est d'abord retrouver sous l'ordinaire des habitudes mentales, la féconde vertu d'étonnement sans laquelle l'esprit finit par s'engourdir et se laisser aller à la morne répétition des tâches, à la cécité. L'étonnement n'est pas le seul effet d'une surprise. Il est, comme le rappelle l'étymologie, de l'ordre de l'effraction, de l'irruption, de l'ébranlement, du coup de "tonnerre" qui foudroie momentanément nos représentations et nous laisse comme suspendus devant la force d'une énigme. C'est là qu'opère une possible ouverture de conscience. Conscience qui, comme le note Schopenhauer, ne cesse plus alors de s'étonner. C'est là que s'imposent pour soi la nécessité d'une question et la prise de parole qui fait acte de sens.
Les cafés, apéros, ateliers et cercles sont autant de lieux essentiels permettant à une parole intersubjective de se dire, de se formuler, de dévoiler sous l'apparente banalité d'une situation ou d'une expérience, un enjeu plus décisif dont on peut ignorer soi-même l'intensité ou la valeur problématique, mais que d'autres pourront éclairer à leur tour. Si la méditation peut être solitaire, elle gagne aussi à rencontrer l'altérité, à s'y heurter parfois, ne serait-ce que pour découvrir son propre impensé. Là réside entre autres choses la puissance créatrice de nos rencontres, tant de fois vérifiée et remarquée par beaucoup d'entre nous, comme à l'occasion de notre première soirée de la saison consacrée à la colère.
Faire signe vers, transporter ailleurs et symboliser, qu'est-ce donc sinon créer des métaphores ?
Un dernier mot plus pragmatique celui-là. Certains auront sans doute remarqué la disparition de l'Apéro-philo et du Cercle littéraire au "Café suspendu" de Billère. Cela n'est pas de notre fait. Nous avons découvert mi-juillet avec une certaine stupéfaction que l'apéro-philo n'y avait plus sa place malgré la forte attractivité et disons-le, le franc succès de nos soirées dans ce lieu dit "associatif". La décision prise par la direction de cette structure lui appartient mais ne peut que nous interroger sur la difficulté de mettre en oeuvre des activités philosophiques dans l'espace public avec des personnes soucieuses de préserver de véritables lieux de pensée et pas seulement d'échanges. Nous poursuivons pour l'heure nos activités au café associatif la Coulée douce et au Dimanche à la campagne qui nous accueillent chaleureusement. Il n'est pas impossible que dans les semaines ou les mois prochains un nouveau lieu d'accueil soit retenu. A suivre donc.
Bonne rentrée philo-littéraire à tous.
Pour Métaphores,
Didier Karl