Résumé de l'Apéro-Philo du 27/01/15 : scepticisme et vérité
Le dernier Apéro-philo s'est tenu au pub-restaurant Chez Pierre (14 rue Barthou à Pau) , le mardi 27 janvier à 18h45 sur le sujet suivant :
"Le vrai sceptique se moque-t-il de la vérité ?"
L’animateur, comme à l’accoutumée, met en place la problématique :
Vrai sceptique s’oppose à sceptique au sens commun, lequel se définirait par la propension à « douter de toute chose » (Littré), sans que l’on sache si c’est par affectation ou par une véritable intelligence de la complexité. Il dit prendre ses distances, réfléchir, mais cela peut être par pusillanimité, faiblesse ou incertitude constitutionnelle. Le vrai sceptique, s’il existe, se réclame d’une réflexion méthodique sur les limites de la connaissance.
S’agit-il de nier toute valeur au savoir, de mettre en évidence les faiblesses de l’esprit humain, de la perception et de la raison, alors se pose la question de la vérité. Quel rapport le « vrai » sceptique entretient-il avec la vérité ?
On peut penser, en première lecture, qu’une telle doctrine nie purement et simplement l’idée même de vérité, y décelant une escroquerie, une chimère, un idéal pompeux et vide. Mais alors on sombre fatalement dans le relativisme le plus stérile : « à chacun sa vérité »- ce qui équivaut à un enterrement pur et simple de la vérité – car il n’est de vérité que par un effort de dépassement de la subjectivité immédiate vers l’universel. Une pensée sceptique peut-elle se référer à l’universel sans se nier dans son principe même ? Avons-nous, en tant qu’humain, quelque possibilité de penser un universel qui ne soit pas une chimère ?
Le scepticisme fait la critique impitoyable du savoir – voir les dix tropes d’Enésidème qui décline les impossibles de la connaissance – à partir de la maxime fondamentale de Démocrite : « L’homme doit connaître au moyen de la règle que voici : il se trouve écarté de la réalité ». Cette phrase énonce magnifiquement le paradoxe sceptique : il faut connaître – que nous voilà loin de la paresse, de la mollesse prêtées au scepticisme – mais non pas en croyant saisir la nature ultime des choses (dogmatisme), tout au contraire, en posant au préalable cette aporie, cet impossible : nous n’avons aucun moyen d’entrer en relation avec la réalité réelle – le réel en soi et pour soi. Notons que Montaigne réitère parfaitement la même idée dans sa phrase célèbre : « Nous n’avons aucune communication à l’être ».
Le problème posé trouve sa solution, si l’on accepte de penser que le savoir n’est pas la vérité, que le savoir ne peut être que relatif, évolutif, « historique », indéfiniment amendable et renouvelable (ce que monte l’histoire des sciences), et qu’une vérité n’existe qu’ à la condition d’être universelle et intangible. Retour à la question : qu’est ce qui, pour l’homme, fait vérité ?
Je note que le groupe en est resté au seuil de cette question. Il faudrait une nouvelle séance pour traiter ce point difficile. Permettez-moi, à titre personnel, d’esquisser une ouverture. C’est Démocrite qui en fournit l’abord : l’homme est écarté de la réalité – voilà une formulation universelle, intangible et indépassable. En un mot la vérité n’est pas le savoir, mais l’impossibilité du savoir.
Ce qui ne signifie pas que nos savoirs soient vains, simplement il importe d’en reconnaître et d’en assumer l’indépassable limitation.
GK
Vous souhaitez en savoir davantage sur l'esprit et les finalités de l'Apéro-Philo ? Cliquez ici.